Laurence Anyways
de Xavier Dolan ( sortie: le 18 juillet 2012)
Scénario de Xavier Dolan
Laurence ( Melvil Poupaud) est fou amoureux de sa femme, Fred ( Suzanne Clément). Fasciné par LA femme, il décide d'en devenir une...
Gros coup de coeur...Pour son troisième long métrage, Xavier Dolan s'attaque à un sujet peu banal et difficile: le transexualisme. Alors que beaucoup se faciliterait la tâche en le traitant sur le ton de l'humour, le réalisateur québécois a choisit d' en parler sérieusement en dénoncant les multiples préjugés et clichés sur ce thème . Car oui, Laurence, même s'il est un homme qui se sent femme, n'est pas un homosexuel. Il est totalement magnétisé de par ce que représente et est la femme et est fou amoureux de Fred, sa femme. Son physique d'homme est une cage , une prison où il se sent mourir à petit feu... Laurence Alia a juste besoin d'une renaissance dans un corps de femme. Un seul obstacle: le regard des autres... Cela donne lieu à des scènes sublimes et mémorables tout comme celle où pour la première fois, Laurence arrive dans sa classe habillée en femme, sans défense, à la vue de tous les regards. La première scène du film est aussi marquante. On y suit Laurence, de dos assumant tous les regards portés sur lui, aussi bien étonnés que séduit. Cette première séquence superbement rythmée par la chanson If I had a heart de Fever ray suffit pour convaincre que l'on est devant un grand film. L'intrigue proposée par Xavier Dolan est complexe car si Laurence se sent prêt à assumer ce qu'il est vraiment et faire sa "révolution", ce n'est pas le cas de Fred, sa compagne qui se fait mal à l'idée que tout " ce qu'elle aime de lui, c'est ce que lui déteste de lui" comme elle lui affirme lors d'une dispute. Pas facile de remettre en doute son couple. On suit donc le parcours de ce couple atypique sur une durée de 10 ans. Au début de leur idylle, Laurence est un professeur de français plutôt réservé et c'est Fred qui apporte un grain de folie au couple. Mais la situation s'inverse lorsque Laurence entame sa "révolution", s'émancipe et que Fred sombre, chaque jour, un peu plus dans la dépression. Un changement de vie qui ne va pas être sans obstacles et au goût de tout le monde. On retrouve l'univers et le cinéma propre à Dolan, son penchant pour les ralentis, les couleurs vives, l'ultra esthétisme des plans, l'omniprésence de la musique ( ici plutôt la musique des années 80 et 90, époque où vivent les personnages) et le thème de l'amour avec un grand A . Dans J'ai tué ma mère, c'est l'amour conflictuel entre une mère et son fils, dans les amours imaginaires, c'est l'amour adolescent platonique et enfin dans Laurence Anyways, c'est l'amour adulte mais pas moins complexe. On est impressionné par la maturité du réalisateur qui à 23 ans, a déjà 3 films de qualité à son actif. Une maturité qui se perçoit dans ses choix scénaristiques, sa faculté à trouver la réplique juste, sa vision si personelle du cinéma. Xavier Dolan confirme qu'à lui seul, il a su créer un nouveau cinéma, une nouvelle " nouvelle vague". Etonnant pour une si jeune carrière quand on sait que d'innombrables réalisateurs, même après 25 ans de carrière n'ont pas su imposer leur style et séduire leur public. Xavier Dolan démontre aussi son génie par rapport à sa direction d'acteurs qui même s'ils sont confirmés se laissent être dirigé avec confiance. Ainsi, Melvil Poupaud est totalement convaincant dans la peau de ce transexuel qui en homme ou en femme est de toutes les façons Laurence ( Laurence Anyways) confronté au jugement de son entourage et aidé(e), malgré des hauts et des bas par sa compagne Fred, la géniale Suzanne Clément ( qui avait déjà joué pour Xavier Dolan dans J'ai tué ma mère). La scène où elle crie son désespoir, sa peur et son agacement, à la figure d'une serveuse ne peut nous faire qu'hérisser les poils sur les bras de par l'émotion qu'elle nous renvoie.
Pour finir, on ne peut que remercier Xavier Dolan de nous concocter des films aussi intelligents et flamboyants. Laurence Anyways est un cri de toléraunce, un délice pour nos yeux, un plaisir pour nos oreilles autrement dit l'incarnation parfaite qui fait que personellement, j'aime autant le cinéma...